- SIENNOISE (ÉCOLE)
- SIENNOISE (ÉCOLE)Sienne fut le foyer d’une tradition picturale qui atteignit sa plus haute splendeur dans la première moitié du XIVe siècle, mais qui s’étendit sur près de trois siècles, du milieu du XIIIe au commencement du XVIe, ses caractéristiques propres et la continuité de son développement faisant d’elle une véritable «école». Cette école se distingua principalement par un goût raffiné pour la couleur, qu’elle avait hérité de Byzance, et par un souci précoce d’assimiler des modes d’expression gothiques, qui se manifestèrent surtout dans l’élégance et l’exquise valeur décorative de la ligne et qui se maintinrent de façon autonome en des formes et selon des significations différentes de celles que la Renaissance inaugura.1. La tradition byzantine et gothiqueLes débutsLa peinture connut dans la région siennoise des débuts modestes, entre la fin du XIIe siècle et les premières années du XIIIe, avec des œuvres d’origine monastique (crucifix du musée d’Art sacré de Montalcino et de San Giovanni d’Asso; devant l’autel de la Badia Ardenga, conservé aujourd’hui à la pinacothèque de Sienne et daté de 1215) dont le style se rapproche plutôt des modes d’expression de l’Italie centrale, surtout de l’école de Spolète, que de ceux des écoles, déjà affirmées, de la Toscane. Certaines influences de la peinture contemporaine de Florence et de Lucques – par exemple, celle du Maître du Bigallo – apparaissent ensuite chez le Maître de Tressa, qui travailla à Sienne entre 1220 et 1250 environ. Peu après le milieu du XIIIe siècle, une aire de culture qui s’inspire beaucoup de l’art byzantin se forme autour de Guido da Siena, dont le nom revient sous le tableau monumental de la Maestà (ou la Vierge en majesté ), jadis à San Domenico de Sienne, aujourd’hui au Palais public: il porte la date de 1221, laquelle est toutefois tenue pour inexacte par l’ensemble des spécialistes; ces derniers situent l’exécution de l’œuvre entre 1270 et 1280. On attribue à Guido, ou à son entourage immédiat, de nombreuses peintures sur bois, parmi lesquelles le très beau devant d’autel de Saint-Pierre (no 15 de la pinacothèque de Sienne); cette œuvre correspond à la période de plus grande maturité de Guido, qui est alors sensible à l’ascendant de Cimabue, tandis que le devant d’autel de saint Jean-Baptiste (no 14 de la pinacothèque) révèle, tant dans l’iconographie du saint et des douze épisodes de sa vie qui l’entourent que dans la qualité de la couleur, dense et pure comme celle de l’émail ou du vitrail, à quelle profondeur avait pénétré, à Sienne, un certain goût byzantin qui se rattachait nettement à la miniature.Duccio di BuoninsegnaLe catalyseur des différents courants culturels qui se regroupèrent à Sienne dans le dernier tiers du XIIIe siècle fut Duccio di Buoninsegna (on suit sa trace de 1278 à 1317), héritier de la tradition byzantine la plus rare et la plus élevée, en même temps que parfait connaisseur de la finesse de l’art gothique occidental. Duccio eut d’innombrables disciples, dont quelques-uns, anonymes, possèdent toutefois une personnalité artistique bien définie, tels le Maître de Badia à Isola et le Maître de Città di Castello; d’autres sont connus par leur nom, tels Ugolino di Nerio, le fin et tragique auteur du polyptyque qui était jadis à Santa Croce de Florence et se trouve maintenant dispersé dans plusieurs musées, Segna di Bonaventura, artiste délicat quoiqu’un peu académique, et son fils, Niccolò di Segna. Avec ces peintres, et avec d’autres de moindre envergure, l’influence de Duccio demeura vivante jusque vers le milieu du XIVe siècle, bien qu’entre-temps se fussent affirmés de puissants créateurs comme Simone Martini et les frères Lorenzetti.Simone MartiniLa première œuvre qui nous est restée de Simone Martini est la célèbre Maestà peinte à fresque en 1315 (mais en partie refaite par l’auteur en 1321) sur le mur d’honneur de la grande salle du Palais public de Sienne. Elle reprend le thème du chef-d’œuvre de Duccio, mais dans un esprit totalement nouveau et avec un goût déjà pleinement gothique, comme en témoignent, d’une part, la disposition, presque en perspective, de la scène qui, entre la large bande d’encadrement avec les médaillons du Christ, de prophètes et de saints, donne l’illusion de «défoncer» le mur, et, d’autre part, le rythme élégant et plein de finesse des attitudes des personnages, lesquels, en se tenant à distance les uns des autres, produisent un effet de mouvement qui suggère l’idée d’un temps provisoire et qui contraste avec l’ordonnance architecturale et immobile de la Maestà de Duccio. Simone Martini, né probablement vers 1284, adopte dans son chef-d’œuvre un langage qui paraît déjà clairement se définir par une interprétation originale de la conception de l’espace inaugurée par Giotto et par une connaissance large et approfondie de la civilisation gothique de France. En 1317, l’artiste était à Naples, où il peignit pour le roi Robert d’Anjou, qui l’avait fait miles (c’est-à-dire chevalier), le tableau de Saint Louis de Toulouse imposant la couronne terrestre à son frère Robert et recevant la couronne céleste (musée de Capodimonte, Naples): l’image hautement spiritualisée, et comme exsangue, du saint s’apparente à la douce Sainte Claire, peinte à fresque, ainsi qu’aux Quatre Saints et à la Vierge entre deux saints dans le bras droit du transept de la basilique inférieure de Saint-François à Assise, où Simone Martini dut faire un premier séjour à son retour à Naples. En 1319, il était de nouveau en Toscane, à Pise, où il exécuta pour les dominicains un polyptyque (aujourd’hui au musée de Pise), qui est l’une de ses créations les plus brillantes: entre 1319 et 1324, il peignit d’autres polyptyques, actuellement démembrés, et des Vierges pour Orvieto et pour Sienne (la Vierge qui était jadis à Lucignano d’Arbia est conservée à la pinacothèque de Sienne), où il tint, avec son beau-frère Lippo Memmi, une florissante boutique et remplit la fonction de peintre officiel, au moins jusque vers 1345. Cependant, entre 1324 et 1326, selon l’opinion la plus plausible, il exécuta la fresque des Histoires de saint Martin dans la chapelle de la basilique inférieure d’Assise qui est placée sous ce vocable: ces Histoires , par le côté brillant de leur composition qui met en valeur l’essentiel, témoignent d’un nouveau rapprochement avec Giotto, tandis que les événements de la vie de saint Martin, chevalier et évêque, évoqués en un bandeau de cérémonies profanes et sacrées d’un goût raffiné, se colorent d’un sens de la réalité robuste et pénétrant, en accord avec l’orientation laïque d’une partie importante de la société du temps. Une semblable fidélité à l’actualité historique se discerne, en dépit du lyrisme quasi métaphysique où elle paraît baigner, dans l’image du condottiere Guido Riccioda Foglianoe qu’une fresque de 1328 au Palais public de Sienne représente chevauchant solitaire à travers des tranchées, des campements et autres décors de guerre. Mais en 1333, dans le triptyque de l’Annonciation , qu’il peignit en collaboration avec Lippo Memmi (à celui-ci reviennent les deux saints des côtés) et qui fut transféré en 1799 aux Offices de Florence, Simone donna une très grande légèreté à l’Ange et à la Vierge grâce au lyrisme exquis de la ligne, saisie dans ses plus grandes possibilités mélodiques. En 1339 ou 1340, l’artiste partit pour Avignon où il resta, comme peintre de la cour pontificale, jusqu’à sa mort survenue le 9 juillet 1344. Il avait peint, à l’intérieur de la cathédrale de Notre-Dame-des-Doms, une fresque de Saint Georges qui fut détruite en 1828. Les restes des autres fresques qui ornaient le portail de cette église ont été détachés entre 1960 et 1963; l’opération révéla des sinopie qui sont à considérer parmi les plus belles de tout le XIVe siècle. À la période avignonnaise appartiennent également un polyptyque à petits compartiments, actuellement dispersé dans les musées d’Anvers, de Berlin et du Louvre, et un très joli tableautin représentant La Sainte Famille après la dispute avec les docteurs et daté de 1342 (Art Gallery de Liverpool): les derniers développements de la conception que, dans ces œuvres, Martini se fait de la ligne portent les prémices de ce qu’on appellera le style gothique.2. Naissance d’un «langage» moderneAvec Pietro et Ambrogio Lorenzetti, la peinture siennoise s’est définie par rapport à l’événement figuratif le plus révolutionnaire du XIVe siècle: le style réaliste et populaire (volgare ) de Giotto. Il leur revient, en effet, d’avoir pris pleine conscience de la nouvelle situation historique déterminée par celui-ci et d’en avoir ressaisi les principes en dehors de tout souci d’imitation, en échappant au concept même, fût-il élargi, d’«école de Giotto», pour arriver à créer un langage «moderne» typiquement italien, c’est-à-dire qui ne fût ni byzantin ni gothique, mais largement et immédiatement accessible et capable de refléter fidèlement les goûts particuliers des deux artistes en même temps que le patrimoine moral de la cité où ils étaient nés et où ils travaillèrent le plus.Pietro LorenzettiPietro – probablement l’aîné, si c’est bien à lui que se rapporte un document de 1306 – dut se former dans l’orbite de Duccio, dont les agencements iconographiques sont repris librement dans les six Histoires de la Passion du Christ peintes à la voûte du bras gauche du transept de la basilique inférieure d’Assise; ces fresques, ainsi qu’une Vierge entre deux saints dans la chapelle Orsini de la même basilique, sont habituellement tenues par la critique pour les témoignages les plus anciens qui soient restés de l’activité de Pietro. Quoi qu’il en soit, la première œuvre qu’on peut lui attribuer avec certitude est le grandiose polyptyque peint en 1320 pour Santa Maria della Pieve à Arezzo et dont les personnages, par leur humanité ardente, bien que retenue, comme par la plastique intense et comprimée des formes, s’apparentent à la sculpture de Giovanni Pisano. Après quelques années pour lesquelles sa présence à Sienne est attestée, l’artiste dut revenir, entre 1326 et 1329, à Assise pour y terminer le cycle de la Passion du Christ : la Déposition de la croix , l’Ensevelissement , la Résurrection , la Descente aux limbes et la monumentale Crucifixion comptent parmi les plus hautes expressions du génie dramatique du XIVe siècle italien, et leur modelé vigoureux et sec réapparaît dans une autre Crucifixion peinte à fresque dans l’église Saint-François de Sienne, probablement en 1331. Mais dans le resplendissant retable qui fut exécuté deux ans auparavant (1329) pour l’église de Santa Maria del Carmine à Sienne et qui est aujourd’hui à la pinacothèque de la ville, la plastique concise, rude et parfois même sévère que Pietro avait acquise par ses contacts avec l’art de Giotto et en vertu d’une certaine parenté de talent avec Giovanni Pisano tendait déjà à se dissocier en des compositions plus fragmentées et en un sentiment subtilement rythmique de la ligne, tandis que, dans les admirables historiettes de la prédelle de cette pala , l’artiste revenait tout simplement, en la développant avec une meilleure connaissance de la perspective, à la vision lyrique du Duccio de la prédelle et du couronnement de la Maestà . En 1335, il peignit avec Ambrogio, sur la façade de l’église de la Scala, les Histoires de la Vierge , qui furent détruites au XVIIIe siècle; avec une intelligence encore plus aiguë de l’espace, il réalisa entre 1335 et 1342 le triptyque de la Nativité de Marie pour la cathédrale de Sienne (aujourd’hui au musée de l’Opéra del Duomo). L’un des derniers chefs-d’œuvre de Pietro est la Vierge à l’enfant entre quatre petits anges (1340), autrefois à Pistoie et maintenant aux Offices: la plastique inspirée de Giotto s’y allie avec la resplendissante pureté du coloris siennois, en une vision de souverain équilibre, de fermeté dans la construction, de suave et radieuse gravitas .Ambrogio LorenzettiLa première œuvre qui subsiste d’Ambrogio Lorenzetti est la Vierge datée de 1319 et autrefois à Vico l’Abate, près de Florence; on n’y trouve pas de réminiscence de Duccio, mais l’influence de Giotto, qui n’aboutit pas tant à exalter, comme chez Pietro, la plastique moyennant des effets de contraste par le clair-obscur qu’à définir la structuration de l’image par la vigoureuse scansion des contours et par la ligne qui synthétise les formes, lesquelles s’individualisent dans les plans aux couleurs franches et vives circonscrits par elle.Les recherches qu’Ambrogio poursuivit de manière intuitive sur la perspective dans beaucoup de ses œuvres se ramènent de même à cette dialectique entre ligne et couleur, par laquelle se transfigurent sur un mode lyrique les rapports de profondeur spatiale que Pietro avait brillamment tirés de l’exemple de Giotto.Travaillant tantôt à Sienne tantôt à Florence, l’artiste attacha son nom non seulement à une série d’admirables tableaux, mais surtout aux fresques représentant Les Allégories et les effets du bon et du mauvais gouvernement et exécutées entre 1337 et 1339 au Palais public de Sienne; dans cette œuvre, d’un exceptionnel intérêt documentaire pour la vie du temps, Ambrogio sut exprimer, sous forme de valeurs très hautement poétiques, un ensemble complexe et même ardu de concepts doctrinaux. Soucieux d’exalter la sagesse et le dynamisme du gouvernement guelfe des «Neuf» sous lequel Sienne atteignit la splendeur, notamment par l’importance de ses réalisations publiques, ce cycle est l’unique exemple de peinture murale à sujet séculier qui puisse rivaliser avec les plus vastes ensembles de peinture religieuse du XIVe siècle. D’une autre série de fresques, qui suscita l’admiration de Ghiberti pour son extraordinaire puissance narrative, subsistent deux Histoires de l’ordre franciscain dans la basilique Saint-François de Sienne, tandis que, dans les fresques qu’il exécuta en collaboration avec des aides dans la chapelle de San Galgano sur le mont Siepi, Ambrogio semble s’être en partie inspiré directement de la Divine Comédie elle-même. Il est aussi l’auteur des plus anciens essais de peinture de paysage de l’art européen: outre ce qui a trait, dans sa grande composition du Palais public, à la vie dans la cité et la campagne bien gouvernées, on lui doit les panneaux des Miracles de saint Nicolas , autrefois à Saint-Procule de Florence et maintenant au musée des Offices, ainsi que deux petits tableaux, une Ville sur la mer et un Château sur le bord d’un lac , qui sont à la pinacothèque de Sienne. Ambrogio Lorenzetti donna la preuve de connaissances de la perspective très avancées et uniques pour son siècle dans l’Annonciation de 1344 (no 88 de la pinacothèque de Sienne), sa dernière œuvre connue. Mais l’intellectualisme très fin et le vif souci de recherche qui caractérisent une si importante production – Ambrogio fut aussi un cartographe réputé et peignit notamment une Mappemonde tournante , qui fut détruite au XVIIIe siècle – n’allèrent pas sans une pénétration singulièrement profonde et délicate des sentiments humains, comme en témoignent ses nombreuses représentations de la Vierge avec l’Enfant Jésus.3. Du XIVe au XIXe siècleLes frères Lorenzetti moururent probablement tous les deux durant la peste de 1348 et leur disparition mit fin à la période la plus éclatante de l’école siennoise de peinture. Nombreux furent toutefois les artistes qui, pendant tout le XIVe siècle, reprirent et répandirent sous des formes originales les expériences et les réussites de ces deux maîtres, alors que d’autres se rattachèrent plutôt à Duccio et à Martini. Parmi les derniers, Barna, auteur vers le milieu du siècle des Histoires du Nouveau Testament dans la collégiale de San Geminiano, combina en cette œuvre, avec une vigueur dramatique et une franchise presque vulgaire, les modèles iconographiques de Duccio et la typologie de Martini: dans le courant marqué plus particulièrement par l’influence de ce dernier, il convient de citer, outre Lippo Memmi, qu’on a déjà rencontré, Niccolò di Ser Sozzo Teggliaci, qui fut même le meilleur enlumineur siennois du XIVe siècle, Naddo Ceccarelli et Andrea Vanni, lequel peignit jusque dans la deuxième décennie du XVe siècle. Le plus grand disciple de Pietro Lorenzetti fut Lippo Vanni, auteur notamment d’une belle série de fresques dans l’église de l’Ermitage de San Leonardo al Lago (vers 1360); à Ambrogio, en revanche, se rattache Bartolo di Fredi (1330 env.-1410), illustrateur fécond et plein d’entrain. Luca di Tommè, Paolo di Giovanni Fei, Niccolò di Buonaccorso, Francesco di Vannuccio, Andrea di Bartolo et Martino di Bartolommeo furent les meilleurs continuateurs de la tradition héritée des Lorenzetti, que Taddeo di Bartolo (1362 env.-1422), la reprenant aux origines mais non sans un certain académisme, répandit dans un rayon très étendu, de Pise à la Ligurie, à l’Ombrie et jusqu’en Sicile. Un souffle nouveau fit irruption dans la peinture siennoise avec Stefano di Giovanni, dit Sassetta (1390 env.-1450), qui ne fut pas seulement le fabuleux évocateur de la légende franciscaine dans son polyptyque pour Borgo San Sepolcro (1437-1444), son œuvre la plus célèbre, aujourd’hui dispersée, mais aussi un interprète attentif et pénétrant, quoique d’une originalité capricieuse, des innovations révolutionnaires de Masaccio et de Brunelleschi, ainsi que du gothique «courtois» de Masolino. D’un style proche de Sassetta, qui fut le plus grand peintre siennois du XVe siècle, mais plus archaïsant, celui qu’on désigne du nom de «Maître de l’observance» et que certains ont coutume à tort d’assimiler à Sano di Pietro (1406-1481), plus conservateur, a laissé une très féconde production de polyptyques et de Vierges aux allures de poupées.Fortement attaché au goût gothique, tel fut encore, au cours de sa longue et laborieuse existence, Giovanni di Paolo (1399-1482), dont la ligne frémissante et nerveuse le conduit souvent à des solutions de caractère hardiment expressionniste. Marqués, quoique de manière et avec des succès divers, par la nouvelle culture florentine sont, en revanche, Pietro di Giovanni d’Ambriogio (1410-1449), connu surtout par ses images ascétiques de Saint Bernardin , et Domenico di Bartolo, dont on suit l’activité de 1428 à 1437 et à qui l’on doit, entre autres, une très intéressante série de fresques illustrant la vie d’un hôpital du temps (dans le Pellegrinaio de l’hôpital de Santa Maria della Scala à Sienne, 1440-1444). Avec Lorenzo di Pietro, dit Vecchietta, dont l’activité artistique commença en 1428 et qui mourut en 1480, s’achève, en un certain sens, le premier Quattrocento siennois; il fut, d’ailleurs, un excellent sculpteur dans la mouvance et le style de Donatello, tandis que son œuvre picturale comporte encore des traits gothiques, sans que pour autant il puisse être regardé comme un retardataire. À son école se sont formés les peintres les plus connus qui travaillèrent à Sienne dans la seconde moitié du siècle, tels Matteo di Giovanni (né à Borgo San Sepolcro vers 1430 et mort à Sienne en 1495), Neroccio di Bartolommeo Landi (1447-1500) et Francesco di Giorgio Martini (1439-1502). Le premier assimila rapidement et habilement les courants figuratifs les plus variés de l’époque, depuis le courant florentin représenté par la peinture de Pollaiulo et par la plastique de Donatello jusqu’au courant padouan marqué par Mantegna et connu de Matteo comme des autres peintres siennois par le canal de Liberale da Verona et de Gerolamo da Cremona, qui entre 1470 et 1480 décorèrent de merveilleuses enluminures des livres liturgiques pour la cathédrale. Neroccio di Bartolommeo Landi, dans ses Vierges de rêve, laisse percevoir un lointain écho de la ligne musicale de Simone Martini, tandis que Francesco di Giorgio Martini fut non seulement un peintre mais aussi un sculpteur et un architecte qui compta parmi les meilleurs de son temps et qui, à ce titre, voyagea avec beaucoup de succès dans différentes régions de la péninsule. On peut citer comme autres peintres, mais de moindre envergure: Benvenuto di Giovanni (1436-1518) et son fils Girolamo (1470-1524), Andrea di Niccolò (né vers 1440 et mort après 1512), Pietro di Domenico (1457-1503), Bernardino Fungai (1460-1516) et Giacomo Pacchiarotti (1474-1539). Ces trois derniers furent fortement marqués par la nouvelle peinture ombrienne qui s’affirma à Sienne avec les tableaux de Pérugin pour San Agostino et San Francesco et avec le séjour de plus de dix ans de Pinturicchio (1502-1513), dont les fresques de la bibliothèque Piccolomini représentent une des plus importantes entreprises qu’il ait réalisées. Avec ces artistes s’éteignit l’école de Sienne proprement dite, bien que le XVIe siècle eût été dans ce pays une période de grande peinture; mais ce fut grâce à un Piémontais, Giovanni Antonio Bazzi, dit Sodoma (né à Vercelli en 1477 et mort à Sienne en 1549), lequel, devenu siennois d’élection, laissa à Sienne et dans la région diverses séries de fresques et de nombreux tableaux qui eurent beaucoup d’influence sur les artistes locaux. Le peintre le plus doué du XVIe siècle fut toutefois Domenico Beccafumi (1486-1551), un des protagonistes du premier maniérisme toscan, qui ne semble inférieur ni à Rosso Fiorentino, ni à Pontormo, ni à Bronzino.L’esprit religieux de la Contre-Réforme eut à Sienne de fervents interprètes avec Pietro Sorri, Alessandro Casolani, Ventura Salimbeni et surtout Francesco Vanni; la tradition de Caravage y fut représentée par Rutilio Manetti (1571-1639), Bernardino Mei et d’autres de moindre importance.Le XVIIIe siècle apparaît nettement comme une phase de décadence, avec les décorateurs superficiels que furent les Nasini, de même que, en un certain sens, le XIXe siècle, avec les pieux «puristes» Luigi Mussini et Alessandro Franchi (ce dernier était originaire de Prato), ainsi qu’avec Cesare Maccari, Pietro Aldi et Amos Cassioli, «peintres d’histoire» fort habiles, mais académiques.
Encyclopédie Universelle. 2012.